Le mandat d’arrêt européen a été institué par la décision cadre 2002/584/JAI, du 13 juin 2002. Il permet une simplification des procédures d’extradition entre États membres de l’Union européenne.

La multiplication des déplacements des personnes entre les Etats membres de l’Union européenne conduit à une croissance du nombre d’émissions de mandats d’arrêt européens. En conséquence, un rappel des dispositions en vigueur m’est apparu nécessaire.

Le mandat d’arrêt européen fait l’objet d’un chapitre du Code de Procédure pénale intitulé « Du mandat d’arrêt européen et des procédures de remise entre Etats membres résultant de la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 13 Juin 2002 », contenu aux articles 695-11 et suivants dudit Code.

Définition du mandat d’arrêt européen

Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un Etat membre de l’Union européenne (« Etat membre d’émission »), en vue de l’arrestation et de la remise par un autre Etat membre (« Etat membre d’exécution »), d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privative de liberté.

Conditions d’émission d’un mandat d’arrêt européen

Toutes les infractions ne peuvent pas donner lieu à l’émission d’un mandat d’arrêt européen. Il faut que les faits présentent une certaine gravité ; il faut en effet que :

– les faits soient punis d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu’une condamnation à une peine est intervenue, que la peine prononcée soit égale ou supérieure à quatre mois d’emprisonnement,

– les faits soient punis d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à un an ou, lorsqu’une mesure de sûreté a été infligée, que la durée à subir soit égale ou supérieure à quatre mois de privation de liberté.

Le mandat d’arrêt européen, qui doit être traduit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l’Etat membre d’exécution, doit contenir un certain nombre de renseignements (l’identité et la nationalité de la personne recherchée, la désignation précise et les coordonnées complètes de l’autorité judiciaire dont il émane, la nature et la qualification juridique de l’infraction, la date, le lieu et les circonstances dans lesquels l’infraction a été commise ainsi que le degré de participation à celle-ci de la personne recherchée…). La Chambre de l’instruction n’a pas à apprécier le bien-fondé de la poursuite exercée par les autorités judiciaires de l’Etat membre d’émission.

La règle de la spécialité

Quand l’émission d’un mandat d’arrêt européen a conduit à la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut en principe pas être poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l’exécution d’une peine privative de liberté pour un fait antérieur à la remise et autre que celui qui a motivé cette mesure. Ce principe connaît cependant des exceptions (1° lorsque l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution, qui a remis la personne, y consent expressément ou 2° lorsque, ayant eu la possibilité de le faire, la personne recherchée n’a pas quitté le territoire national dans les 45 jours suivant sa libération définitive, ou si elle y est retournée volontairement après l’avoir quitté, ou 3° lorsque l’infraction n’est pas punie d’une peine privative de liberté). La personne recherchée peut également renoncer expressément au bénéfice de cette règle de la spécialité.

Lorsque l’Etat membre qui a émis le mandat d’arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut, sans le consentement de l’Etat membre d’exécution, être remise à un autre Etat membre en vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure, sauf lorsque la personne ne bénéficie pas de la règle de la spécialité ou lorsque la personne accepte expressément, après sa remise, d’être livrée à un autre Etat membre ou lorsque l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’exécution, qui a remis la personne, y consent expressément.

Lorsque l’Etat membre qui a délivré un mandat d’arrêt européen a obtenu la remise de la personne recherchée, celle-ci ne peut être extradée vers un Etat non membre de l’Union européenne sans le consentement de l’autorité compétente de l’Etat membre qui l’a remise.

Les conditions d’exécution d’un mandat d’arrêt européen par les autorités françaises

La France qui reçoit aux fins d’exécution un mandat d’arrêt européen émis par un autre Etat membre de l’Union européenne apprécie si les conditions de la remise sont réunies.

Ainsi, les autorités françaises peuvent refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen dans un certain nombre de cas, notamment si les faits pour lesquels il a été émis ont un lien avec la France, ou si la personne recherchée était âgée de moins de treize ans au moment des faits, ou s’il est établi que ledit mandat d’arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle…

L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est également refusée si le fait faisant l’objet dudit mandat d’arrêt ne constitue pas une infraction au regard de la loi française (nécessité d’une « double incrimination »). Mais ce contrôle n’est pas mis en place lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l’Etat membre d’émission, punis d’une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’une durée similaire et entrent dans l’une des catégories d’infractions de l’article 695-23 du Code de Procédure pénale (participation à une organisation criminelle, terrorisme, traite des êtres humains, exploitation sexuelle des enfants et pornographie infantile, trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, aide à l’entrée et au séjour irréguliers, homicide volontaire, coups et blessures graves, escroquerie, extorsion, trafic de véhicules volés, viol…).

La procédure d’exécution d’un mandat d’arrêt européen par les autorités françaises

Toute personne appréhendée en exécution d’un mandat d’arrêt européen doit être conduite dans les 48 heures devant le Procureur général territorialement compétent. Pendant ce délai, les droits de la personne sont les mêmes que ceux de la personne gardée à vue (droit à être examinée par un médecin, droit à s’entretenir avec un avocat, droit à faire prévenir un proche…).

Après avoir vérifié l’identité de cette personne, le Procureur général l’informe, dans une langue qu’elle comprend, de l’existence et du contenu du mandat d’arrêt européen dont elle fait l’objet. Il l’avise également qu’elle peut être assistée par un avocat (l’avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne recherchée). Le Procureur général informe ensuite la personne recherchée de sa faculté de consentir ou de s’opposer à sa remise à l’autorité judiciaire de l’Etat membre d’émission et des conséquences juridiques résultant de ce consentement. Il l’informe également qu’elle peut renoncer à la règle de la spécialité et des conséquences juridiques de cette renonciation.

Le procureur général ordonne l’incarcération de la personne recherchée, à moins qu’il n’estime que sa représentation à tous les actes de la procédure est suffisamment garantie. Dans ce dernier cas, le Procureur général peut soumettre la personne recherchée, jusqu’à sa comparution devant la Chambre de l’instruction, à une ou plusieurs des mesures prévues pour le contrôle judiciaire (ne pas se rendre en certains lieux, ne s’absenter de son domicile ou de la résidence fixée qu’aux conditions et pour les motifs déterminés, s’abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes…). Cette décision est susceptible de recours devant la Chambre de l’instruction, qui doit statuer au plus tard lors de la comparution de la personne devant elle.

La Chambre de l’instruction est immédiatement saisie de la procédure et la personne recherchée comparaît devant elle dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la date de sa présentation au Procureur général. L’audience est en principe publique. Le ministère public et la personne recherchée sont entendus, cette dernière assistée, le cas échéant, de son avocat et, s’il y a lieu, en présence d’un interprète. La Chambre de l’instruction peut, par une décision qui n’est susceptible d’aucun recours, autoriser l’Etat membre d’émission à intervenir à l’audience par l’intermédiaire d’une personne habilitée par ledit Etat à cet effet.

Si, lors de sa comparution, la personne recherchée déclare consentir à sa remise, la Chambre de l’instruction l’informe des conséquences juridiques de son consentement et de son caractère irrévocable. Lorsque la personne recherchée maintient son consentement à la remise, la Chambre de l’instruction lui demande si elle entend renoncer à la règle de la spécialité, après l’avoir informée des conséquences juridiques d’une telle renonciation et de son caractère irrévocable. Si la Chambre de l’instruction constate que les conditions légales d’exécution du mandat d’arrêt européen sont remplies, elle rend un arrêt par lequel elle donne acte à la personne recherchée de son consentement à être remise ainsi que, le cas échéant, de sa renonciation à la règle de la spécialité et accorde la remise. La Chambre de l’instruction statue, sauf si un complément d’information a été ordonné, dans les sept jours de la comparution devant elle de la personne recherchée. Cette décision n’est pas susceptible de recours.

Si la personne recherchée déclare ne pas consentir à sa remise, la Chambre de l’instruction statue en principe par une décision dans le délai de vingt jours à compter de la date de sa comparution. Cette décision peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, par le Procureur général ou par la personne recherchée.

Si la Chambre de l’instruction estime que les informations communiquées par l’Etat membre d’émission dans le mandat d’arrêt européen sont insuffisantes pour lui permettre de statuer sur la remise, elle demande à l’autorité judiciaire dudit Etat la fourniture, dans le délai maximum de dix jours pour leur réception, des informations complémentaires nécessaires.

La mise en liberté peut être demandée à tout moment à la Chambre de l’instruction. La Chambre de l’instruction statue après avoir entendu le ministère public ainsi que la personne recherchée ou son avocat, dans les plus brefs délais et au plus tard dans les quinze jours de la réception de la demande. Toutefois, lorsque la personne recherchée n’a pas encore comparu devant la Chambre de l’instruction, les délais précités ne commencent à courir qu’à compter de la première comparution devant cette juridiction.

La remise aux autorités de l’Etat membre d’émission et ses suites

En cas de décision de remise, le Procureur général prend les mesures nécessaires afin que la personne recherchée soit remise à l’autorité judiciaire de l’Etat d’émission au plus tard dans les dix jours suivant la date de la décision définitive de la chambre de l’instruction. Si la personne recherchée est en liberté lorsque la décision de la Chambre de l’instruction autorisant la remise est prononcée, le procureur général peut ordonner l’arrestation de l’intéressé et son placement sous écrou.

La chambre de l’instruction, après avoir statué sur l’exécution du mandat d’arrêt européen, peut surseoir temporairement à la remise pour des raisons humanitaires sérieuses, en particulier si la remise de la personne recherchée est susceptible d’avoir pour elle des conséquences graves en raison notamment de son âge ou de son état de santé.

Lorsque la personne recherchée est poursuivie en France ou y a déjà été condamnée et doit y purger une peine en raison d’un fait autre que celui visé par le mandat d’arrêt européen, la Chambre de l’instruction peut, après avoir statué sur l’exécution du mandat d’arrêt, différer la remise de l’intéressé.

Lors de la remise, le Procureur général mentionne la durée de la détention subie sur le territoire national du fait de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

La Chambre de l’instruction devant laquelle la personne recherchée a comparu est saisie de toute demande émanant des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à des poursuites ou à la mise à exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées pour d’autres infractions que celles ayant motivé la remise et commises antérieurement à celle-ci. La même Chambre de l’instruction est également compétente pour statuer, après la remise de la personne recherchée, sur toute demande des autorités compétentes de l’Etat membre d’émission en vue de consentir à la remise de la personne recherchée à un autre Etat membre en vue de l’exercice de poursuites ou de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté pour un fait quelconque antérieur à la remise et différent de l’infraction qui a motivé cette mesure.