Dordogne : condamnée pour le meurtre de l’homme qui la battait, mais libre

Jugée pour meurtre, Feka Niemeijer a été condamnée mais a pu quitter le tribunal libre.

Feka Niemeijer est sortie hier de la salle des assises à Périgueux les jambes tremblantes, soutenue par son fils Léonard et sa fille Madeleine. Ses proches, amis et voisins, venus nombreux la soutenir, l’ont accueillie dans la salle des pas perdus sous les applaudissements. Elle venait d’apprendre sa condamnation à trois ans d’emprisonnement dont six mois avec sursis. Une scène pour le moins surréaliste, mais à l’image de ce procès où les rôles n’ont eu de cesse de se confondre.
La Néerlandaise de 58 ans a été reconnue coupable du meurtre de l’homme qui la battait. Hans Detlef Plate est mort le 9 août 2013, à Saint-Sulpice-de-Mareuil. Alors qu’il s’approchait d’elle saoul et menaçant, elle l’a frappé de plusieurs coups de hache.

La cour et les jurés ont adressé, au travers de leur verdict, un message sans ambages : il est temps d’aider Feka Niemeijer à tourner la page. Elle a pu quitter le palais de justice libre dans la mesure où elle a déjà purgé sa peine : d’abord en détention provisoire (huit mois) puis chez elle, dans le cadre d’un placement sous surveillance électronique. L’un de ses deux avocats, Me Jérémie Hachard, a salué une « décision profondément juste et pleine d’humanité. »

La bienveillance était également du côté de l’accusation. Stéphane Renard a proposé une peine de cinq ans d’emprisonnement dont la moitié assortie du sursis.

Là aussi, il s’agissait de ne pas nier la culpabilité de l’accusée, évidente au regard des faits, mais d’admettre qu’au vu des circonstances et de sa personnalité, Feka Niemeijer avait payé sa dette. L’avocat général n’a pas moins respecté son rôle de garant de l’application du droit, rappelant que la légitime défense existait dans un cadre pénal strictement défini dans laquelle l’affaire Niemeijer n’entrait pas : comment faire valoir une réaction proportionnelle à l’atteinte subie dès lors qu’elle a réitéré les coups une fois Hans Detlef Plate mis hors d’état de nuire ? L’usage de la chaîne métallique pour étrangler l’homme à terre, inerte, finissait de fragiliser l’argument.

L’ombre de la légitime défense

La défense, consciente de l’obstacle, s’est appliquée pendant deux jours, et plus encore dans ses plaidoiries à ne pas la plaider tout en laissant son ombre s’imposer. Parce qu’elle n’a jamais déposé plainte, Me Hachard a insisté sur l’état de peur permanente imposé par Hans Detlef Plate et ses menaces récurrentes envers elle et ses enfants : « Pour dépasser de telles menaces, il faut avoir confiance en soi et en la réponse qui sera apportée par ceux à qui on demande assistance. Et le propre d’une femme battue, c’est de n’avoir plus confiance en rien, surtout pas en elle. »

Son confrère, Me Frédéric Queyrol, a défendu la thèse de la proie acculée, persuadée d’une mort imminente le soir des faits et aucunement habitée par la haine :

« Si Feka Niemeijer avait voulu la mort d’Hans Detlef Plate, elle ne l’aurait jamais décroché de l’arbre auquel il s’était pendu [NDLR : quelques semaines plus tôt]. Pour elle, on ne laisse pas mourir quelqu’un. Elle l’a dit hier : “J’ai trahi mes principes.” »

C’est la teneur des derniers mots qu’elle a eus pour la cour et les jurés avant qu’ils n’aillent délibérer. Contrite, affaiblie par deux jours éprouvants, elle a prononcé une phrase que ses sanglots rendaient péniblement compréhensibles : « Cet acte, je le regretterai toute ma vie. »

 

© Article issu de Sud Ouest – Publié le 01/10/2016 . Mis à jour à 09h12 par THOMAS MANKOWSKI

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